La course à pied, mode de déplacement faisant partie du domaine de l’athlétisme, est pratiquée avec une multitude de possibilités : sprint, demi-fond, fond, trail, course en montagne etc.
Elle a comme particularité d’avoir une phase de suspension, phase où il n’y a aucun appui podal, à l’inverse de la marche.
Différents termes sont employés : footing, jogging, running. Le terme jogging est employé pour une activité à faible intensité, durant laquelle on doit pouvoir être capable de parler. Le terme footing caractérise également une course à pied à intensité faible. A l’inverse, le terme running est plus adapté pour des courses à intensité plus élevée.
L’épidémiologie
L’univers de la course à pied et de la marche est l’activité sportive la plus pratiquée par les français que ce soit chez les hommes ou les femmes, et à n’importe quel âge. D’après une étude de l’INJEP en 2018, 40 % des français de plus de 15 ans ont déclaré au cours des douze derniers mois, avoir pratiqué une activité physique ou sportive en lien avec l’univers de la marche et/ou la course, avec parmi eux 16 % de pratiquants pour le footing/running, et 23% pour la randonnée pédestre. Reproduite en 2020, cette enquête a montré une augmentation à 42 % de pratiquants dans l’univers de la marche/course, soit + 2 % par rapport à 2018.
Les coureurs ont dit préféré courir seules à 71 %, et seulement 17 % en 2014 ont participé à une course organisée. Une augmentation de 45 % de coureuses a été constaté entre 2012 et les études de la FFA (Sportlab) en 2016 et l’Union Sport et cycle (BVA) en 2017.
L’exemple du Marathon de Paris montre cet engouement au fil du temps. (9). Créée en 1896, cette épreuve est devenue annuelle à partir de 1976. A cette époque, strictement réservée aux hommes, elle compte 126 participants. En 1986, ce nombre (hommes et femmes confondus) passe à 10.000 puis, 36.000 en 2006 et 50.000 en 2016. Lors de la dernière édition en 2024, plus de 60.000 personnes étaient inscrites.
La biomécanique de la course
La course à pied à allure régulière est composée d’une succession de cycles de jambes qui se répètent à l’identique, caractérisée par une distance et une durée. Un cycle démarre lorsqu’un pied touche le sol, et se termine lorsque ce dernier retouche le sol à nouveau. Le cycle est lui-même divisé en 2 foulées (ou 2 pas) symétriques droite et gauche, correspondant à la distance entre 2 appuis successifs. Il peut varier en amplitude (longueur) et en fréquence (répétition).
Le cycle de jambe est composé de 2 phases : la phase de suspension (60 % du temps) et la phase d’appui (40 % du temps). La phase d’appui est divisée en 3 parties : la phase d’amortissement, la phase de soutien, et la phase de propulsion.
1) La phase d’amortissement : elle débute dès le contact pied/sol, le centre de gravité se trouve en arrière.
2) La phase de soutien : le moment où le centre de gravité se trouve à l’aplomb de l’appui au sol.
3) La phase de propulsion (poussée) : elle est totalement terminée lorsque le pied quitte le sol.
Lors de la phase de suspension, il n’y a aucun contact entre le sol et le coureur. Le coureur ne peut ni accélérer, ni ralentir son mouvement.
Dans ce qui suit, nous aborderons les différents types d’attaques du pied au sol ainsi que les types de foulées (pronatrice, supinatrice, universelle). L’objectif est avant tout de vous faire découvrir ces notions, notamment pour les débutants en course à pied. Si vous souhaitez approfondir ces sujets essentiels, je vous recommande de poursuivre vos recherches afin de mieux les maîtriser.
Dans la course à pied, le type d’attaque du pied au sol (plan sagittal) lors de la phase d’amortissement est un facteur à prendre en compte. Le pied est divisé schématiquement en 3 parties :
• L’attaque talon (rear foot strike) : le contact au sol se fait par le talon, il s’agit d’une grande majorité des coureurs, peu importe la distance parcourue.
• L’attaque médio pied (mid foot strike) : le contact se fait pied à plat.
• L’attaque avant pied (fore foot strike) : le contact se fait sur l’avant pied.
Sur le plan transversal, le coureur est caractérisé comme étant pronateur, universel ou supinateur :
• Pronation : la plus fréquente, le pied s’affaisse vers l’intérieur, dû à des appuis médiaux (=internes) excessifs. L’usure de la chaussure est externe au niveau du talon puis au niveau de l’avant pied plus marquée au niveau de l’hallux (= 1er orteil, le plus gros).
• Universelle (neutre) : il s’agit de la position normale, seulement présente chez 30 % des coureurs. C’est une position entre la pronation et la supination, sans déséquilibre. On retrouve une usure interne et externe lors de la phase d’attaque. L’avant pied lors de la phase de propulsion est usé de façon bien répartie.
• Supination : plutôt rare (5 à 15 % des coureurs), le pied s’affaisse vers l’extérieur, dû à des appuis latéraux excessifs. L’usure de la chaussure est plus marquée en externe, sur le bord externe de l’avant pied, vers le cinquième orteil (le plus petit).
Les blessures en course à pied : définition et épidémiologie
Une définition du terme blessure en course à pied (running related injuries en anglais) a été proposée lors d’un consensus d’experts internationaux en 2015. Il s’agit d’une douleur musculo-squelettique liée à la course (en compétition ou à l’entrainement) des membres inférieurs qui provoque une restriction ou un arrêt de la course (distance, vitesse, durée, ou entrainement) pendant au moins 7 jours, ou sur 3 séances d’entrainement programmées consécutives, ou qui nécessite de consulter un médecin ou un autre professionnel de santé. Une technopathie est une blessure de surutilisation, par la répétition d’un geste. Les structures osseuses, tendineuses, musculaires etc. doivent supporter sur chaque appui 3 fois le poids du corps en moyenne. Sachant qu’il y a 600 à 1000 impacts au sol par km, ces pathologies sont retrouvées très fréquemment en course à pied.
Les blessures sont très fréquentes chez le coureur loisir. L’incidence des blessures dans les 12 mois suivant une course (5, 10, 15 et 21 km), variait entre 14,2% et 17, 2% dans une étude de 2014.
Dans une autre étude de 2018 qui étudie les blessures des coureurs sur une durée de 4 ans, plus de 30 % des coureurs (débutants et expérimentés confondus) ont été blessés sur une année, avec une incidence de blessures pour 1000 heures de course plus élevée chez le débutant.
Dans 70 % des cas, la guérison est intervenue dans les 10 jours.
En 2019, une autre étude consistait à faire une revue systémique de la proportion des blessures des membres inférieurs en course. Les 5 blessures principales du coureur sont : le syndrome douloureux fémoro-patellaire, la tendinopathie calcanéenne, le syndrome de stress tibial médial, fasciite plantaire et le syndrome de la bandelette ilio-tibiale. Tout sexe confondu, le genou était le plus touché (28%), suivi de la cheville (26%) et de la jambe (16%). Les femmes étaient plus touchées au niveau du genou, alors que les hommes sont touchés de manière plus homogène. La majorité des lésions est retrouvée au niveau des genoux ou en dessous de ce dernier.
Les blessures musculo squelettiques les plus fréquentes
L’objectif ici est de vous présenter les blessures musculo-squelettiques les plus fréquentes, sans toutefois être exhaustif.
Chacune de ces pathologies pourrait, et a probablement déjà, fait l’objet de thèses et autres études poussées. Nous vous les exposons de manière concise pour que vous puissiez les identifier et, le cas échéant, vous orienter si vous ressentez des douleurs.
Nous n’aborderons pas ici les différents traitements en détail. Cependant, il est important de souligner que pour toutes ces blessures, l’anticipation est essentielle.
L’anticipation = la clé pour éviter les blessures.
Une gestion raisonnée de vos efforts, voilà le principe fondamental de toute activité physique. Dès que vous ressentez une douleur, arrêtez-vous immédiatement. À un stade précoce, une inflammation peut se résorber rapidement avec du repos. En revanche, si vous persistez, la récupération sera plus longue, voire incomplète, en raison de cicatrisations inadaptées.
Numéro 1 : l’anticipation. Cela implique également de porter des chaussures adaptées. Nous vous renvoyons à notre article sur l’importance de prendre soin de ses pieds : Pensez à vos pieds avant de penser à l’itinéraire.
Numéro 2 : le repos. Si vous ressentez une douleur, comme celles décrites ci-après, il est crucial d’arrêter toute activité physique qui l’aggrave. C’est le moment pour consulter un médecin, poser un diagnostic et entamer une phase de repos.
Repos et anticipation constituent les principaux traitements pour ces blessures. Vous pouvez également appliquer du froid sur la zone douloureuse et chaude pour réduire l’inflammation. Cela accéléra la récupération.
Les autres solutions possibles :
– Médicaments : Les anti-inflammatoires peuvent être utiles dans certains cas, mais ils ne remplacent ni le repos ni l’anticipation. Les anti-inflammatoires peuvent être pris par la bouche, appliqués sur la peau ou directement injectés dans la zone douloureuse (infiltration).
– Chirurgie : Rarement nécessaire pour ce type d’affections.
– Kinésithérapie : Des séances peuvent vous aider, notamment pour apprendre à ménager les zones douloureuses, solliciter d’autres groupes musculaires ou améliorer votre posture pendant la marche ou la course.
a) Le syndrome de la bandelette ilio-tibiale
Ce syndrome est également appelé syndrome de l’essuie-glace, syndrome de friction, tendinite du tenseur du fascia lata ou syndrome de la bandelette de Maissiat. Pathologie fréquente chez tout type de coureurs, il s’agit de la 1ère cause de douleur latérale du genou. La douleur est typique, au niveau du genou sur la face externe (vers l’extérieur, pas vers l’autre genou), d’apparition pendant la course ou après, obligeant le coureur à s’arrêter. Elle survient à chaque fois au bout du même temps de course, avant de s’aggraver et d’être de plus en plus précoce. La guérison est longue. Anatomiquement, la bandelette ilio-tibiale est un tissu semi-rigide qui prolonge le muscle tenseur du fascia lata, le moyen et grand fessier, et se termine en majorité sur la partie proximale du tibia (= le haut du tibia), ainsi que sur la patella (la rotule). La bandelette a un rôle dans le mouvement de la hanche, ainsi que la stabilisation du genou. Concernant la cause, le doute persiste sur l’origine exacte de ce syndrome. Une des théories explique la douleur par une friction excessive de la bandelette sur le fémur (os de la cuisse) à sa partie distale (vers le genou), lors des mouvements répétitifs de flexion/extension du genou.
Le diagnostic se fait cliniquement, pas besoin de radiographie ou de scanner, via des tests comme celui de Renne, qui consiste à faire un mouvement de flexion/extension du genou, le médecin exerçant une pression avec un doigt sur le condyle latéral, ou celui de Noble durant lequel le patient est en appui monopodal, le médecin lui demandant de faire des flexions/extensions.
b) Le syndrome douloureux fémoro-patellaire
Le syndrome douloureux fémoro-patellaire est également appelé syndrome rotulien, douleur fémoro-patellaire, runner’s knee ou anterior pain knee en anglais. Il représente entre 16 et 25 % des blessures, 1ère cause de blessures du genou. Les femmes sont plus touchées que les hommes. Ce syndrome représente 25 à 40 % des problèmes de genou en médecine du sport. Il s’agit d’une douleur antérieure du genou (en avant du genou), au niveau de la patella (=rotule). Ce syndrome est la conséquence d’un mauvais cheminement de la patella lors des mouvements du genou. Son origine est multifactorielle. La stabilité de cette articulation est assurée par un système dynamique (musculaire, tendineux), un système statique (capsule articulaire, trochlée fémorale, ligamentaire), ce qui permet de contrôler les mouvements patellaires au niveau du fémur.
Le diagnostic est fait grâce à l’histoire de la douleur et à l’examen clinique complet du genou. C’est une douleur qui est située en avant du genou, ou derrière la patella, ou autour de cette dernière. La douleur est difficilement localisable par les patients, beaucoup font un cercle autour de la patella « circle sign ». Elle apparait après quelques minutes de course, et disparait au bout de quelques heures au repos, souvent présente lors d’une position assise prolongée « le signe du cinéma » ou lors de la montée/descente des escaliers. Cliniquement, il existe une douleur à la mobilisation de la patella.
c) Le syndrome de stress tibial médial
Ce syndrome est aussi appelé périostite tibiale ou shin splint en anglais. Des études ont démontré qu’il serait responsable, dans 6 % à 16 % des cas, de la survenue de blessures chez tous les coureurs. Le périoste ( = fin tissu nourricier entourant les os et très innervé) du tibia est enflammé, de manière unie ou bilatérale. La douleur se situe en bas du tibia, sur une longueur de 5 cm ou plus, déclenchée lors d’une activité physique ou après, et qui se calme avec du repos. Elle est reproduite à la palpation. C’est un diagnostic clinique si la douleur est typique à l’interrogatoire ainsi qu’à l’examen physique. Là encore, il n’y a pas besoin de faire d’examens complémentaires pour poser le diagnostic.
d) La tendinopathie calcanéenne
Également appelé tendinopathie achiléenne, il s’agit d’une pathologie du plus gros tendon du corps humain. Il prolonge le triceps sural (= le mollet), lui-même composé de 3 muscles, en profondeur, le muscle soléaire, et en superficie, le muscle gastrocnémien médial et latéral. Il s’attache à son extrémité au calcanéum ou talon, et quelques fibres s’étendent vers l’aponévrose plantaire. Son rôle est la flexion plantaire (= incline le pied vers le bas) et la propulsion du pied lors de la marche.
La douleur apparait initialement après l’effort, puis de plus en plus précocement au cours de l’effort, et dans un stade avancé, se caractérise par la présence d’une raideur matinale. A l’examen clinique, on constate une triade douloureuse : à la palpation, à l’étirement et à la contraction résistée du tendon (le médecin vous empêche d’incliner le pied vers le bas en gardant votre pied vers le haut). On peut également palper un épaississement du tendon sous forme de nodule.
e) La fasciite plantaire
Également appelée aponévropathie ou aponévrosite plantaire , c’est une atteinte de l’aponévrose plantaire (voir article ) qui est un tissu conjonctif dans la continuité du tendon calcanéen, tendue du talon jusqu’à la base des orteils formant la voûte plantaire.
C’est une des pathologies les plus récurrentes dans la population générale : 10 % des gens en souffriront au cours de leur vie. Fréquente en course à pied, des études ont montré qu’elle représente 8 à 10 % des blessures et 80 % des douleurs de talon. Les microtraumatismes qui sont répétés lors de la course entrainent des micro-déchirures et une inflammation, qui se traduit par un épaississement de l’aponévrose. C’est une douleur sous talonnière, d’apparition progressive, intense au réveil, augmentée en position de station debout prolongée, s’aggravant à la marche. Elle peut être bilatérale. Cliniquement, la douleur est reproduite lors de la palpation de la voute plantaire et du talon dans sa partie médiale, et lors d’une flexion dorsale de la cheville et des orteils ( = en faisant comme si l’on voulait marcher sur les talons).
Conclusion
Vous connaissez désormais les blessures musculo-squelettiques les plus fréquentes en course à pied. Grâce à ces connaissances, vous êtes mieux armé pour poser un premier diagnostic, que ce soit pour vous-même ou pour votre entourage. Toutefois, il est essentiel de faire confirmer ce diagnostic par un médecin.
N’attendez pas si une douleur apparaît. La fameuse phrase « ça va passer » s’applique rarement en médecine. Une inflammation nécessite impérativement du repos pour guérir. Plus vous insistez, plus les douleurs s’intensifieront, et plus la guérison prendra du temps.
Attention, un point de non-retour peut être atteint, avec des séquelles permanentes, si vous n’écoutez pas votre corps.
En matière de santé, l’anticipation est votre meilleure alliée.
Dr Yves H. (médecin urgentiste)
D’autres articles relatifs à la santé pour la vie quotidienne
Découvrez d’autres articles relatifs au soins médicaux pour randonneurs et survivalistes
- Randonneurs, survivalistes pourquoi vous former aux soins médicaux ?
- Comment augmenter vos chances de survie
- Que faire en cas d’ampoule lors d’une randonnée ?
- Constituer un stock de médicaments pour la randonnée ou le survivalisme
- Tout savoir de la préparation médicale pour randonneur ou survivaliste
- Connaître les 2 médicaments de la trousse de soin en randonnée survie
- Comment augmenter ses chances de survie
- Ne négligez pas vos pieds
- La soumission chimique