Cet article a pour objectif de faire découvrir au plus grand nombre la prise en charge d’un patient en arrêt cardio-respiratoire avec l’utilisation de médicaments. Par la même occasion, il présente quelques données statistiques sur l’arrêt cardio-respiratoire, ainsi que les principales causes d’arrêt cardiaque et les traitements médicamenteux utilisés.
Reconnaître un arrêt cardio-respiratoire
Ce qu’il y a de plus difficile — et de plus important — face à un arrêt cardio-respiratoire (ACR) est de le reconnaître le plus rapidement possible.
Identifier immédiatement une personne en ACR et démarrer la chaîne de survie est infiniment plus bénéfique qu’une réanimation optimale même médicamenteuse mais débutée tardivement.
Une personne qui ne répond pas et ne respire plus, ou qui respire anormalement, doit être considérée comme en arrêt cardio-respiratoire.
Dans ce contexte, il n’est pas nécessaire de rechercher le pouls.
Autrement dit, une personne qui ne vous répond pas lorsque vous l’appelez et qui présente une respiration anormale est en arrêt, jusqu’à preuve du contraire.
Il n’est pas grave de masser une personne vivante ; en revanche, ne pas masser une personne en arrêt est dramatique.
Exemple de la respiration agonique, faite de lentes et profondes inspirations, souvent accompagnées de ronflements ou de gasps (ces derniers ressemblant à un poisson essayant de respirer hors de l’eau), n’est pas une respiration normale et ne doit jamais retarder le début de la RCP.
⚠️ Piège
Un arrêt de la circulation sanguine peut provoquer des mouvements évoquant une crise épileptique.
Dans le cas d’un arrêt cardiaque, le manque de sang au cerveau peut provoquer des secousses cloniques, généralement inférieures à 10.
En revanche, dans une véritable crise d’épilepsie, ces secousses sont souvent bien plus nombreuses et prolongées.
Quelques données statistiques
Si l’arrêt survient à l’hôpital : le taux de survie est en moyenne de 20 % (1 patient sur 5), et parmi ces 20 %, environ 70 % récupèrent sans séquelles neurologiques majeures.
Si l’arrêt survient en dehors de l’hôpital, avec une prise en charge secondaire à l’hôpital : le taux de survie est d’environ 10 %, et parmi ces patients, plus de la moitié présentent des séquelles neurologiques lourdes.
Ces données rappellent qu’un arrêt cardio-respiratoire est souvent fatal, avec peu de chances de parvenir à réanimer efficacement le patient.
On est bien loin de l’image optimiste véhiculée par les séries et les films, où le fameux « bip bip » finit par réapparaître.
Dans la réalité, la plupart des tentatives de réanimation se concluent par la phrase :
« Bon, on arrête. »
La LATA
Un autre point essentiel pour les soignants est de vérifier si le patient a rédigé une LATA (Limitation et Arrêt des Thérapeutiques Actives).
Il s’agit d’un cadre médico-légal clair :
Un patient ayant formalisé par écrit son souhait de ne pas être réanimé ne doit pas être pris en charge par des manœuvres de réanimation.
Cela concerne principalement des patients atteints de maladies incurables, entraînant des souffrances physiques et/ou psychologiques importantes.
La réanimation cardio-respiratoire (RCP)
La première action à effectuer est de crier/appeler pour que l’on vienne vous aider. Un patient en arrêt nécessite du personnel en nombre. Il faudra notamment changer le « masseur » toutes les 2 minutes afin de maintenir un massage efficace.
- Un pour masser,
- Un pour ventiler,
- Un pour les drogues (et plus si possible).
La réanimation doit durer au moins 30 minutes (légalement parlant, sauf si critères de mauvais pronostic : long NO-FLOW, comorbidités sévères, grabataires, etc.).
Le NO-FLOW et le LOW-FLOW sont des données essentielles en cas d’ACR :
- Le NO-FLOW correspond au temps durant lequel le patient est en arrêt sans massage cardiaque, donc sans oxygénation cérébrale.
- Le LOW-FLOW correspond au temps pendant lequel le patient est massé. La perfusion cérébrale est alors présente grâce au massage, mais reste bien moins efficace que celle assurée par un cœur fonctionnel.
Si possible, il est important de permettre la présence des proches pendant la RCP. Cela facilite le travail de deuil et limite le risque de syndrome de stress post-traumatique.
Le Massage Cardiaque Externe
- Fréquence : 100 à 120 compressions par minute (presque 2 compressions par seconde).
- Profondeur : enfoncer le sternum de 5 cm sans dépasser 6 cm.
- Remarque : Si des côtes se cassent pendant le massage, ce n’est pas important. Les côtes se réparent, pas le cerveau.
Comptez à voix haute pour synchroniser les insufflations :
- RCP de base à 30:2 (30 compressions pour 2 insufflations).
Ventilation
- Si le patient est intubé : insufflations sans interruption du massage, à raison de 10 par minute (soit toutes les 6 secondes), en synchronisation avec la décompression thoracique.
Ventilation au masque (BAVU Ballon Autoremplisseur à Valve Unidirectionnelle):
- Cou en extension,
- Subluxation de la mandibule,
- Insufflation lente (une insufflation trop rapide fait passer l’oxygène dans l’estomac).
Effectuer 2 insufflations en moins de 10 secondes (ne pas dépasser 10 secondes, car le massage cardiaque est interrompue durant ce temps).
- Brancher l’oxygène au BAVU avec un débit maximal (15 L/min).
- Ajouter une canule de Guedel si nécessaire (en cas de difficulté, notamment pour subluxer la mandibule).
Choc électrique externe
- Toujours 200 J en biphasique, en mode synchrone.
- Si échec, possibilité de monter progressivement jusqu’à 360 J.
Après un choc, on reprend systématiquement une RCP de 2 minutes, même si le patient semble avoir récupéré un rythme.
C’est uniquement lors de l’analyse suivante du rythme que l’on décidera de poursuivre ou non la RCP.
L’enchaînement est le suivant :
Analyse du rythme → Choc → RCP
(Il n’y a pas d’analyse du rythme immédiatement après un choc.)
Les deux principaux rythmes choquables sont :
- La Tachycardie Ventriculaire (TV)
- La Fibrillation Ventriculaire (FV)
Rappel : Le choc n’a pas pour but de « faire repartir » le cœur, mais au contraire de l’arrêter temporairement pour qu’il puisse reprendre un rythme sinusal.
Si la FV survient chez un patient déjà scopé et prêt à être choqué immédiatement, il est possible de réaliser jusqu’à 3 chocs successifs.
En cas de persistance de la FV : poursuite de la RCP et administration d’amiodarone.
En présence d’un pacemaker ou d’un défibrillateur automatique implantable, il convient de respecter une distance de 8 cm entre le patch et le boîtier.
Le principal risque est alors de provoquer un dysfonctionnement du dispositif.
III / Les drogues selon les rythmes
Rythme non choquable
Asystolie (absence totale d’activité électrique) ou activité électrique sans pouls (dissociation électro-mécanique).
→ Le plus rapidement possible, injecter de l’adrénaline : 1 mg en bolus IV toutes les 3 minutes.
En l’absence d’abord veineux, l’administration peut se faire par la sonde d’intubation ou par un KT intra-osseux.
Rythme choquable
(Globalement : Tachycardie Ventriculaire (TV) et Fibrillation Ventriculaire (FV))
Pas d’injection avant le 3ᵉ choc, puis :
- Adrénaline : même posologie et fréquence que pour un rythme non choquable.
- Amiodarone :
- 300 mg IVD après le 3ᵉ choc,
- puis 150 mg après le 5ᵉ choc.
⚠️ Risques de l’amiodarone en bolus : collapsus, bradycardie, torsades de pointes.
C’est pourquoi l’amiodarone en IVD est réservée à l’ACR. En dehors de ce contexte, elle doit être administrée en IVL sur au moins 20 minutes.
- Magnésium :
En cas de TV/FV réfractaire : 2 g en IVL.
Rappels terminologiques :
IVD : injection intraveineuse directe, d’un seul coup.
IVL : injection intraveineuse lente, sur au moins 5 minutes.
Dans tous les cas :
Remplissage quasi systématique avec du NaCl → Débit maximal, débuté avec 1 L.
IV / Les causes curables : les 5 H et 5 T
Les 5 H
Hypoxie : Oxygénation (BAVU ou intubation oro-trachéale).
Hypothermie : RCP très prolongée. Réchauffez (mais pas trop rapidement).
En cas de FV résistante aux chocs, il est nécessaire de réchauffer avant de tenter à nouveau le choc.Hypovolémie : Remplissage (transfusion si hémorragie).
Hypokaliémie et hyperkaliémie : Prise en charge spécifique selon le contexte.
Les 5 T
- Tension (pneumothorax complet droit) :
Exsuffler en urgence à l’aide d’un gros cathlon gris, connecté à une seringue contenant un peu d’eau pour observer l’apparition de bulles lors de l’aspiration.
Point de ponction : 5ᵉ espace intercostal, sur la ligne axillaire moyenne. Piquer dans la partie inférieure de l’espace intercostal (en frôlant la côte inférieure, car artères, veines et nerfs passent dans la partie supérieure de l’espace). Thrombose veineuse (embolie pulmonaire) :
Thrombolyse avec prolongation d’au moins 60 minutes de RCP après l’injection des drogues.
Actilyse : bolus de 10 mg en IVL sur 2 minutes.
Si patient > 65 kg : perfusion de 90 mg sur 2 heures.
Si patient < 65 kg : perfusion de 1,5 mg/kg sur 2 heures.Thrombose coronaire :
Traitement adjuvant uniquement si diagnostic certain (Aspirine + Brilique + Arixtra) et coronarographie post-ACR.
⚠️ Pas de thrombolyse dans ce cas.Tamponnade cardiaque :
Remplissage vasculaire ++ (pour assurer l’expansion des cavités droites) et ponction péricardique en urgence.Toxiques :
Prise en charge adaptée selon le toxique :
– Bicarbonate pour les médicaments à effet stabilisant de membrane.
– Cyanokit en cas d’inhalation de fumées toxiques.
– Naloxone si suspicion d’opioïdes.
– Flumazénil en cas de surdosage aux benzodiazépines (BZD), notamment si arrêt respiratoire puis cardiaque.
Etc …
Focus sur la Naloxone :
En cas de doute sur une possible intoxication aux opioïdes, notamment chez un jeune ou chez un patient sous morphine, il est recommandé de débuter le traitement.
⚠️ Il n’y a pas de conséquence à administrer de la naloxone en l’absence d’intoxication avérée, et cela peut parfois même aider dans d’autres contextes.
Posologie :
1 ampoule (0,4 mg/1 mL) toutes les 5 minutes, jusqu’à 3 fois.
Si absence d’effet après 3 doses, il n’y a plus d’intérêt à poursuivre.
Cependant, si la suspicion d’intoxication opioïde est forte, il est possible d’aller jusqu’à 10 ampoules.
Si aucun effet n’est observé après ces 10 doses, il n’y a alors plus d’intérêt à poursuivre les injections.
V / Prise en charge post-ROSC (Retour à une Circulation Spontanée)
Objectif PAM (Pression Artérielle Moyenne) : entre 65 et 90 mmHg.
→ Réhydratation + Noradrénaline si besoin (débuter à 1 mg/h).
⚠️ Contre-indication absolue de la noradrénaline : choc cardiogénique gauche, car elle augmente la post-charge.
⚠️ Jamais de bolus de noradrénaline.
Si la PAM reste basse malgré la réhydratation et une noradrénaline à 2 mg/h, discuter l’ajout de dobutamine.
SpO₂ : maintenir entre 94 et 98 %.
(⚠️ Pas 100 %, car l’hyperoxygénation est néfaste pour le cerveau.)
PaCO₂ : objectif normal, entre 35 et 45 mmHg.
Sédation à mettre en place :
Propofol à 200 mg/h (jusqu’à 250 mg/h chez un patient de gros gabarit).
Sufentanil à 15 gamma/h.
Température :
Lutter contre l’hyperthermie à tout prix.
→ Objectif de température corporelle : 36 °C.
Glycémie :
Éviter l’hyperglycémie comme l’hypoglycémie.
→ Objectif : entre 0,70 et 1,10 g/L.
Pourquoi « hors urgentiste et réanimateur » ?
Comme précisé dans le titre de cet article, il s’adresse aux médecins hors spécialités d’urgentiste et de réanimateur.
Pourquoi ?
Parce que ces deux spécialités médicales font l’objet de formations spécifiques aux situations les plus graves, dont l’arrêt cardio-respiratoire.
Dans un éventuel article sur l’ACR « niveau » urgentistes et réanimateurs, on ajoutera, en complément de ce qui vient d’être écrit :
– la prise en charge de l’intubation oro-trachéale avec le réglage du respirateur,
– ainsi que l’utilisation de l’échographie d’urgence.
La chaîne de survie
Nous rappelons ici ce qu’est la chaîne de survie, notion essentielle dont l’enseignement au plus grand nombre doit être encouragé.
La chaîne de survie est un ensemble d’actions indispensables pour maximiser les chances de survie après un arrêt cardiaque. Elle repose sur quatre maillons fondamentaux :
Reconnaissance rapide de l’arrêt cardiaque et appel aux secours (15 ou 112) :
Dès qu’une personne s’effondre, ne répond plus et ne respire pas normalement, il faut immédiatement appeler les secours.Début immédiat du massage cardiaque :
Réaliser des compressions thoraciques fortes et rapides (100 à 120 par minute) au centre de la poitrine, en attendant l’arrivée des secours.Utilisation d’un défibrillateur (DAE) si disponible :
Un choc électrique peut permettre de restaurer un rythme cardiaque normal en cas d’arythmie mortelle.Prise en charge médicale avancée :
Les secours poursuivent la réanimation et stabilisent le patient avant son transport à l’hôpital.
Conclusion
La prise en charge d’un arrêt cardio-respiratoire (ACR) est une situation d’extrême urgence, où chaque seconde compte. L’efficacité de l’intervention repose avant tout sur la reconnaissance rapide de l’arrêt, l’alerte précoce, le début immédiat des gestes de réanimation et l’application rigoureuse des protocoles adaptés.
Bien que les taux de survie restent faibles, notamment en contexte extra-hospitalier, une prise en charge structurée et maîtrisée peut permettre de sauver des vies et limiter les séquelles neurologiques.
Au-delà des gestes techniques, il est essentiel de ne jamais négliger les causes potentiellement réversibles de l’ACR (les 5 H et 5 T), d’assurer une réanimation de qualité et de maintenir une prise en charge optimale après le retour à une circulation spontanée (ROSC).
Enfin, rappeler et diffuser largement la notion de chaîne de survie auprès du grand public et des soignants est un levier majeur pour améliorer les chances de survie face à cet événement critique.
Pour les lecteurs non soignants, il est vivement recommandé de se former à la RCP de base auprès des pompiers, de la Croix-Rouge ou de tout autre organisme agréé. Ces formations, accessibles à tous, permettent d’apprendre les gestes essentiels qui peuvent sauver une vie en attendant l’arrivée des secours. Il est également utile de se renseigner sur les dispositifs existants pour en bénéficier : de nombreux salariés ont, par exemple, le droit de suivre ces formations dans le cadre de leur entreprise, via la formation professionnelle ou les obligations de sécurité au travail.
Dr Yves H. (médecin urgentiste)

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